Salon e-Commerce 2011, Paris.

J’y passe 2 heures et je sors, frustré, avec le sentiment que ce n’est pas là que ça se passe. Les positions se sédimentent, les acteurs se calcifient: la crise génère la peur, peur qui gonfle un peu plus encore les voiles du marketing à la performance, seul levier encore apte à rassurer entrepreneurs, nouveaux entrants et jusqu’aux plus grandes marques.

Ici et là quelques promesses atterrantes : votre site en quelques clics, en quelques heures, et pour pas cher. Et un générateur d’application iPhone par ici, et un plan marketing piloté par délégation, j’en passe…

Le commerce a trouvé dans l’internet son Eldorado. Mais les conquistadors sont partis. Les colons ont envahis les espaces vierges, et il s’agit maintenant de rentabiliser l’investissement. Rêveurs, passez votre chemin ! Il suffisait de voir le misérable espace alloué au carré innovation : il faisait pâle figure au regard de la surface occupée par les promoteurs de développements off-shore et les vendeurs de produits clés en main.

En fait, c’est toujours la même histoire. D’abord des explorateurs, des fous, des inconscients suffisamment convaincants pour faire financer une expédition aux contours incertains. Ils ne savent pas ce qu’ils ont découvert, mais ils ont trouvé, pour paraphraser Baudelaire,  « du nouveau ». Certains, les plus fous, les plus héroïques aussi, vont comme Hernan Cortes jusqu’à bruler leurs vaisseaux : avançons, à marche forcée s’il le faut, mais avançons. L’internet a connu cette folle époque à la fin des années 90 jusqu’à l’éclatement de cette folle bulle en 2000.

Sont alors arrivés les vendeurs de pioche. Les premières fortunes. Chercher de l’or, c’est très bien, mais pour ça, il faut des outils, des routes, des villes nouvelles, des premières infrastructures. On a trouvé un nouveau monde, il s’agit maintenant de le structurer. Fournisseurs d’accès, développement de l’ADSL, des technologies. On remet l’église au milieu du village, et comme nous le faisons dans un Sim City, des routes, des canalisations furent bâties. Les explorateurs survivants s’y accrochèrent pour prendre enfin leur envol. Qui de la poule ou de l’œuf arriva le premier, qui du réseau ou du contenu fut à l’origine de l’essor du web : comme pour le gallinacée, l’un ne va pas sans l’autre.

Pourcentages de croissance affolants, équipement des ménages, développement des ventes : le secteur a connu son âge d’or. Il y eut des années où il suffisait de taper dans la fourmilière pour générer trafic, ventes et profits.

Et la crise de 2008 arriva, violente, accélérant un mouvement qui prenait forme depuis quelques temps. Les entreprises avaient bien compris qu’il se passait quelque chose, et que, somme toute, investir sur le web se révélait plus rentable que dans « le monde réel ». Qu’il s’agisse de sites marchands, de prospection, de publicité : tous les indicateurs étaient favorables à l’internet. Et avant tout du point de vue de la rentabilité. Qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit : je ne critique pas cette démarche. La génération de profits est la raison d’être d’une entreprise, et en ce sens ce mouvement n’est en rien critiquable. Seulement, du point de vue de ceux dont je suis qui vivent cette histoire depuis plus de 10 ans, il est symptomatique de voir émerger aujourd’hui une nouvelle génération d’acteurs. Après les pionniers, après les marchands de pioche, arrive le temps des cravates. Les bases de données, les comptes d’exploitation, les bilans marketing reprennent leur place au centre du jeu : avant de faire du web, du e-Commerce, on fait des affaires, et je n’ai pas été surpris de voir ici et là sur le salon des stands parlant de maîtrise de la gestion de son site e-Commerce. Le marché devient plus mature. Comme aurait dit le Petit Prince de Saint-Ex, il devient « sérieux comme une grande personne ».

Et malgré tout, il suffit d’observer le web pour réaliser que l’Histoire n’est pas terminée. Mais où étaient-ils, sur ce salon, les réseaux sociaux, les agrégateurs de contenu, les Facebook, les twitter, les blogueurs ? Ce sont eux aujourd’hui nos nouveaux fous, nos nouveaux inventeurs. Ils ne sont pas exempts de défauts (mais n’oublions pas que Colomb passa des mois en prison, ou que l’on coupa la tête de Balboa), mais ils repoussent chaque jour un peu plus les murs de l’internet. Je ne suis pas naïf : eux aussi commencent à connaître leur changement d’ère. Il faut bien rentabiliser serveurs, employés et autres investissements. Mais reconnaissons leur le mérite de faire bouger les lignes, quitte à nous provoquer ou à nous choquer.

Enfin, la démarche de performance dans laquelle s’est engagée pleinement le web amène de nombreuses questions sur l’image de marque. Leur image, les marques ont passé des années à la construire, à la façonner. Par le choix d’un logo, d’un discours ; par une exigence de qualité produit ; par la préservation d’un positionnement, par la constitution d’une mythologie. Sur ce point, marketing à la performance ne rime pas avec prudence, mais  ceci est une autre histoire et j’y reviendrai dans un prochain post.

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One Response to “De passage au Salon eCommerce…réflexions et mises en perspectives”

  1. Fabien Durr Says:

    Particulièrement bien décrypté !
    Signé:
    Un conquistador à la recherche de nouvelles aventures ;-)

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